Actuellement, de grands changements s’opèrent dans ce monde qu’est le conditionnement physique. Plus que jamais, les exercices sont accessibles et la pertinence de prendre soin de sa santé n’est certainement plus à démontrer. Dans les dernières années, les différents médias résument la promotion de l’activité physique à quelque chose comme : « l’important, c’est de bouger ! » C’est un peu comme dire : « c’est facile, il n’y a aucun risque. Mets tes chaussures et cours! ». Médecins et professionnels de la santé, nous avons tous répandus le message que l’activité physique était accessible, à la limite que c’était simple. Nous avons ainsi tous une part de responsabilité. Voici donc quelques exemples pour illustrer mon propos.
Homme, 45 ans, facteurs de risque élevés (haute pression, tour de taille élevé, résistant à l’insuline, faible condition physique, arthrose de genoux) :
Résolu à prendre sa santé en main et à obtenir des résultats rapidement, il s’abonne à l’une des trop nombreuses bannières de « gym à rabais ». Après tout, il faut qu’il bouge, qu’il ait chaud; c’est son médecin qui lui a dit ! Inquiétant, car il n’y aura aucune barrière à l’entrée pour cet homme qui se donnera bonne « conscience » en reprenant enfin «sa santé en mains ». Mais qu’en est-il vraiment ? Qui se souciera du faible prix qu’il paiera pour avoir accès à de nombreuses «machines» qui l’«aideront» à se remettre en forme sans supervision d’un professionnel de la santé?
Au départ, les résultats seront au rendez-vous, mais ils seront largement discutables et la motivation passagère. Cet homme perdra certainement quelques livres, mais développera une douleur aux épaules et comme il s’est présenté avec une douleur aux genoux, il n’entrainera pas ses jambes, mais bien que le haut de son corps. Il n’a donc rien réglé, mais il bouge ! Vous trouvez ça normal ? Moi non. C’est la kinésiologue qui parle, qui s’inquiète de ces cas trop nombreux qui sont en train de devenir la normalité…
Femme, 25 ans (surplus de poids dû à une grossesse, diastase abdominale):
Résolue à prendre sa santé en main, elle consulte son fil d’actualité Facebook afin d’y trouver « une coach » qui l’aidera à retrouver sa taille rapidement. Quelques clics plus tard, elle recevra des conseils gratuits, des plans alimentaires et des vidéos pour vite se prendre en main. Aucune analyse requise, aucune prise en charge qui tiendra compte de l’état actuel physique de son corps. Après tout, il faut bouger et suer; tout le monde en parle !
Qui se souciera de l’aggravation de sa diastase abdominale par des exercices exécutés sans supervision et surtout non-adaptés ? Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’un problème d’incontinence urinaire l’attend d’ici peu.
Et cette coach sur internet qui « pratique » sans assurances responsabilités professionnelles et qui distribue « son expérience de post-partum » à qui veut l’entendre, c’est normal me direz-vous ? C’est dans l’air du temps. Ayant eu personnellement de bons résultats, a-t-elle le « droit » d’entrainer d’autres mamans à la maison ? Au Québec, actuellement, oui. Sans compter que l’on ne sait pas trop non plus, si elle perçoit les taxes cette coach sur « ses ventes en ligne » et si elle déclare ses revenus, étant donné qu’elle est elle-même en congé de maternité. Est-ce trop demandé au consommateur de réfléchir à ces enjeux, de poser des questions ? Ce n’est pas cher, c’est accessible, donc c’est normal ? Laissez-moi en douter.
Pendant ce temps, certains en profitent grassement. Coachs, entraîneurs et thérapeutes de toutes sortes se partagent la grande part des gens en quête de LA solution facile et peu coûteuse. Et ils sont nombreux à faire des formations très courtes et inéquivalentes, car il est (trop) facile de devenir un praticien de santé au Québec.
Il y a certainement une responsabilité individuelle face à la santé à faire valoir auprès de la population en général. Il ne faut pas oublier que la grande part des maladies ont des facteurs de risque modifiables avec l’adoption de saines habitudes de vie. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a donc des solutions et que l’accompagnement et la prise en charge sont favorables à la mise en place de comportements sains. L’ennui c’est qu’au Québec, cette prise en charge par un professionnel diplômé universitaire n’est pas encouragée, ni favorisée par aucune mesure d’accessibilité financière pour le consommateur d’activité physique. Les services en kinésiologie sont taxables, car les kinésiologues n’ont malheureusement pas d’ordre professionnel. C’est un grand paradoxe, car tous s’entendent pour dire que la santé et la bonne forme sont à encourager. Chaque année donc, les universités québécoises forment des bacheliers en activité physique qui œuvrent auprès de cette clientèle à la recherche de solutions pour la santé. Une fois diplômés, ils devront tenter d’offrir leurs services professionnels, espérons-le à valeur ajoutée, mais parmi tous les autres intervenants qui ne sont pas assujettis aux mêmes contraintes légales, financières, éthiques et déontologiques… En effet, ces professionnels de la santé devront faire de la formation continue, prélever des taxes sur les ventes perçues, payer une cotisation professionnelle, des assurances et agir professionnellement. On leur demande tout cela, rien de moins et c’est tant mieux ainsi, mais sans la reconnaissance et le support attendus.
Parce qu’au Québec, en résumé, les vrais acteurs qui pourraient y contribuer en bonne et due forme ne sont pas reconnus. En d’autres mots, ils ne font pas toujours partie du système de santé. Peut-être me direz-vous que c’est à nous de faire la différence auprès de la clientèle ? Je sais et j’y travaille quotidiennement en tenant de faire plus avec moins. Mais que les règles ne soient pas les mêmes pour tous les joueurs, ça me dérange un brin et ça nous nuit collectivement à long terme.
Quel est le message quand on laisse ce terrain de jeu à ciel ouvert à tous les joueurs qui y sont entrés sans uniforme, en faisant abstraction des règles et qui prétendent connaître la « game » sans en mesurer tous les risques ? Le consommateur ni voit visiblement que du feu. C’est accessible et ce n’est pas cher après tout. Ça doit être bon !
Auteure : Geneviève Émond, MBA, B.Sc Kin